De la libre disposition de l'indemnisation

Le principe de non-affectation

La jurisprudence reconnaît déjà depuis de nombreuses années que l’indemnisation versée à une victime peut être utilisée librement par cette dernière. En d’autres termes, cela signifie que ni le débiteur (assureur ou fonds de garantie généralement) ni même le Juge ne peuvent contraindre la victime à une utilisation déterminée de l’indemnisation allouée : la victime a le choix de l’utilisation de ses fonds. Par exemple, imaginons une victime indemnisée au titre de la nécessité d’une assistance par tierce personne (pour l’entretien de son domicile ou les courses) à hauteur de 30 000 €. Cette personne ne pourrait se voir reprocher d’utiliser cet argent à d’autres fins, tout en ayant finalement recours à un proche pour cette assistance.

L’objectif est de permettre à la personne victime d’un dommage corporel, dont la réparation intégrale des préjudices n’est qu’une théorie – il est évidemment impossible de lui restituer son état physique antérieur à l’accident – de prendre part à sa propre réparation, en étant libre de juger ce qui est bon, ou non, pour elle.

Le responsable n’effacera pas le dommage survenu par le simple paiement d’une somme d’argent, mais va en réalité verser à la personne victime la valeur en argent du préjudice subi.

Nouvelle application du principe

La Cour de cassation a procédé à une nouvelle application de ce principe par un Arrêt du 30 juin 2016.

Une victime s’était vu reconnaître à l'occasion d'une expertise médicale le caractère indispensable du port d’une prothèse. Pour chiffrer l’importance de son préjudice, elle présenta à la juridiction un devis, qui par nature concernait une somme non dépensée. Or, la Cour d'appel a fait droit à l'argumentation de l'assureur qui refusait l’indemnisation de ce préjudice en l’absence d’une ordonnance de prescription médicale. C’est cette décision que la Cour de cassation a censuré : un Juge ne peut pas refuser de procéder à l’évaluation d’un préjudice dont il a lui-même constaté l’existence en son principe.

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Il est donc positif de constater que le principe d’une libre disposition de l’indemnisation par la victime est conforté. Mais c’est encore un écueil auquel toute victime doit faire face, notamment en cas de transaction avec un assureur : ces derniers n’hésiteront pas à soutenir une position contraire aux principes établis par la jurisprudence pour limiter arbitrairement l’indemnisation qu’il doit verser.