Conflits d’intérêt chez les Experts
L’Expert judiciaire, un devoir d’impartialité
Un Expert judiciaire se doit d’être impartial dans l’exercice de sa mission, au même titre qu’un Juge lorsqu’il tranche un litige. Tout d’abord, il faut savoir que le nombre de médecins Experts judiciaires est limité, puisqu’ils doivent figurer sur une liste établie par chaque Cour d’appel. Pour cela, les médecins doivent postuler, puis répondre à un certain nombre de conditions évaluées par le Parquet général.
Cependant, il n’est nullement exigé des prétendants au titre d’Expert judiciaire – et encore moins de ceux qui le sont déjà – de ne pas être mandaté par les Compagnies d’assurance. En effet, ces dernières ont chacune un répertoire de médecins experts avec lesquels elles travaillent régulièrement, notamment en leur confiant des missions d’expertise amiable.
Le risque de conflit d’intérêt
Lorsqu’une victime d’accident de la circulation (ou de tout autre type de sinistre dans le cadre duquel un assureur peut être appelé à intervenir pour l’indemnisation) engage une procédure judiciaire à l’encontre d’un assureur, elle sollicite la désignation d’un Expert judiciaire. Le demandeur peut éventuellement proposer un Expert en particulier, mais en définitive, c’est toujours le Juge qui choisit celui qu’il désigne. Et malheureusement, il peut arriver que l’Expert désigné soit par ailleurs habituellement missionné par la Compagnie d’assurance adverse.
D’où la naissance d’un conflit d’intérêt.
Dans cette situation, le justiciable victime se retrouve dépendant de l’avis d’un professionnel qui a des liens économiques avec son adversaire. La plupart du temps, il ne peut même pas le savoir, puisque les Experts judiciaires n’ont pas l’obligation de déclarer leurs activités extra-judiciaires.
Conscience et indépendance
Par le serment d’Hippocrate, les médecins, de façon générale, jurent d’exercer leur profession avec indépendance et plus particulièrement les Experts judiciaires, qui prêtent serment devant la Cour, jurent d’exercer leur fonction avec « conscience ». Bien entendu, la grande majorité des Médecins Experts respectent ces règles déontologiques. Mais la meilleure façon d’éviter tout soupçon à ce sujet serait d’empêcher l’existence de ces conflits d’intérêt. Par exemple, il pourrait être rendu obligatoire, pour chaque Expert judiciaire, de publier la liste des Compagnies d’assurance pour lesquelles il travaille habituellement.
Syndicat des médecins d'Aix et sa région
C’est l’objet d’un des combats menés par le Syndicat des médecins d'Aix et sa région (Smaer). L’un de ses membres, le Dr Gilles VIDAL, a récemment fait part de ses critiques aux journalistes de La Provence.
Il est nécessaire de faire en sorte que nos élus et dirigeants prennent conscience du problème, afin d'obtenir des règles strictes pour éviter tout risque de conflit d’intérêt en la matière. Mais, dans l’attente de cette évolution, il est nécessaire d’être vigilant et de se battre avec les armes mises à disposition par les règles procédurales. C’est là le rôle de l’Avocat de victime.
Médecin Conseil et récusation, le rôle de l’Avocat
D’une part, on ne le répètera jamais assez, il est indispensable d’être assisté d’un médecin Conseil dans le cadre d’une expertise, qu’elle soit judiciaire ou organisée par un assureur. D’autre part, lorsque le conflit d’intérêt est patent et peut être démontré, il est alors nécessaire de solliciter une récusation de l’Expert judiciaire et de solliciter la désignation d’un de ses Confrères. Enfin, dans les cas extrêmes, il faut envisager de demander une contre-expertise.