Incidence du décès de la victime en cours de procédure

Incapacité permanente de la victime décédée en cours d’instance


De l’IPP au DFP

L’Incapacité Permanente Partielle (IPP) est, en droit commun depuis 2006, une composante du Déficit Fonctionnel Permanent (DFP).  Ce dernier poste d’indemnisation du préjudice corporel est destiné à indemniser « pour la période postérieure à [la consolidation], les atteintes aux fonctions physiologiques, la perte de la qualité de vie et les troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales », selon la définition de la 2e Chambre civile de la Cour de cassation.

Principe d’évaluation de l’IPP

Cette IPP est évaluée par les médecins experts, en fonction de l’atteinte physiologique et psychologique définitive consécutive au fait dommageable. Elle est calculée en pourcentage, selon des barèmes médicaux relativement complexes allant de 0% (pour une victime qui ne subit aucune séquelle définitive) à 100%,(en théorie et pour simplifier à l’extrême, pour une personne intégralement et définitivement paralysée). L’indemnisation du DFP (étant précisé que d’autres composantes doivent également être évaluées – mais ce n’est pas le sujet ici) est ensuite calculée en fonction du taux d’IPP et de l’âge de la victime au jour de la consolidation.

En effet, des barèmes régulent la valeur du point d’incapacité en fonction du temps probable restant à vivre à la victime, ce qu’on appelle l’espérance de vie. Bien entendu, cette espérance de vie est une moyenne générationnelle établie par rapport aux statistiques démographiques. De ce fait, 1% d’IPP correspondra à une indemnisation supérieure pour une victime de 20 ans que pour une victime de 80 ans, qui n’aura pas cette incapacité à endurer pendant aussi longtemps.

Décès de la victime en cours de procédure

Or, la question s’est posée de savoir si le DFP devait être évalué différemment lorsque la victime venait à décéder en cours de procédure.

La Cour de cassation, dans un arrêt du 13 novembre 2013, a répondu par l’affirmative en expliquant que « si le droit pour la victime d'obtenir réparation du préjudice subi existe dès que le dommage a été causé, l'évaluation de ce préjudice doit être faite par le juge à la date où il se prononce. »

 

L’affaire soumise à la Chambre criminelle de la Cour de cassation concernait une procédure en indemnisation faisant suite à un accident de la circulation pour lequel le responsable avait été poursuivi devant le Tribunal correctionnel. La victime, gravement blessée, avait obtenu en première instance une indemnisation importante de son Déficit Fonctionnel Permanent, entre autres postes de préjudice. A la suite de quoi un appel avait été interjeté. Or, entre la décision de première instance et l’audience de la Cour d’appel, la victime est décédée. Le responsable de l’accident et son assureur ont plaidé pour que le Déficit Fonctionnel Temporaire soit réévalué « en fonction du temps écoulé entre la date de l'accident et celle de son décès ».

Une indemnité transférée dans le patrimoine des ayants-droit

La Cour d’appel a rejeté cette argumentation en octroyant aux ayants-droit de la victime, une indemnité calculée sur la base son espérance de vie, aux motifs que le « jugement serait « constitutif de droit » et que cette indemnité serait entrée dans son patrimoine avant de tomber dans celui de ses héritiers ».

Principe de réparation intégrale

Ce n’est pas le raisonnement suivi par la Cour de cassation qui a cassé cet arrêt tout en rappelant le principe fondamental selon lequel « le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ».

La décision peut paraître étonnante lorsque l’on sait que le principe même de l’évaluation du Déficit Fonctionnel Permanent est fondé sur une théorie, une projection, une hypothèse : l’espérance de vie. Par ailleurs, il est légitime de s’interroger sur l’égalité de traitement entre cette situation et celle d’une victime qui décèderait quelques jours après une décision judiciaire définitive lui ayant octroyé une indemnisation intégrale de son déficit fonctionnel permanent…